“Je m’appelle Gnon. J’ai 20 ans. Je vis dans un village de Djougou au Bénin. J’étais mariée et vivais dans un foyer monogame, mais j’ai dû divorcer deux mois après la survenue de ma fistule obstétricale.
Dans ma vie, je suis tombée enceinte 4 fois dont la première à 16 ans. Je n’ai qu’un enfant vivant âgé de 5 ans, l’un était mort-né et les 2 autres sont morts. Ma maladie est apparue à la dernière grossesse il y a 10 mois. Je n’avais fait aucune consultation prénatale…
Un accouchement fatal
Tout allait bien jusqu’au déclenchement du travail d’accouchement, un jour vers 17h. Une heure après, mon beau-frère m’a conduite au centre de santé de mon arrondissement à Bougou. J’y ai passé la nuit, puis le lendemain matin, j’ai été référée au centre de santé de Boco dans une autre commune, à Parakou distante d’au moins 134 km. Ce centre n’étant pas fonctionnel ce jour-là, j’ai été ramenée au Centre Hospitalier Départemental (CHD) de Parakou qu’on a traversé pour Boco. J’y ai accouché par césarienne d’un garçon mort-né. A ma sortie du bloc, j’ai remarqué que mon pagne était mouillé. Je l’ai signalé immédiatement au docteur. Il m’a rassurée et dit que les urines s’arrêteraient le lendemain. En absence de cessation de ces fuites, il m’a examinée, a déclaré que je souffrais de fistule obstétricale et m’a informée que c’était l’hôpital de Tanguiéta qui pouvait me traiter. A ma grande tristesse, il m’a également annoncé que je ne pourrais plus avoir d’enfant. Comme mon beau-frère était présent lorsque le Docteur expliquait tout ceci, il a pris son téléphone pour faire le compte-rendu à son frère.
Stigmatisée par ma belle famille, et bannie
Une fois de retour à la maison, j’ai vécu les pires formes de rejet de la part de mon mari et de ma belle-famille. Je suis restée pendant 3 mois sans solution. Un jour, alors que j’essayais de rappeler à mon mari que je pouvais me faire traiter à Tanguiéta, il m’a froidement annoncé qu’il préférait utiliser l’argent pour mon traitement pour se trouver une autre femme. Que pouvait-il faire d’une épouse incontinente qui ne lui donnerait plus aucun enfant ? C’est ainsi qu’il m’a chassée.
Mon père m’a recueillie, seule, car mon mari, soutenu par sa famille, ne m’a pas laissée prendre mon fils. Une fois retournée à la maison familiale, mon père a dû chercher l’argent pour m’amener à Tanguiéta où nous avons séjourné durant une semaine sans accéder aux soins, aucune mission chirurgicale n’étant en vue. Nous étions rentrés en ayant reçu le numéro d’un agent de l’hôpital que nous devions contacter 2 mois après. Sans appeler, nous sommes retournés à Tanguiéta au bout des 2 mois. Malheureusement, aucune mission n’était en cours. Lasse, j’ai presque perdu espoir mais mon père ne s’est pas résigné pour autant. « Tu seras guérie tant que je suis en vie. Mets-toi cela dans la tête » m’a- t-il dit.
Prise en charge par ESSOR et opérée par le programme Fistula Group
Par chance, nous avons rencontré une dame au campement qui nous a promis de nous tenir informés de la date de la prochaine mission en temps opportun. C’est ainsi que j’ai pu me faire opérer avec l’assistance d’ESSOR le 15 novembre 2019. Je suis déclarée guérie le 4 décembre 2019 et suis folle de joie de même que mon père. D’autres n’ont pas eu la chance d’être prises en charge par l’ONG ESSOR, de rencontrer les médecins de l’Hôpital Saint Jean de Dieu de Tanguiéta et d’être soutenues par Fistula Group qui a pris en charge mes soins.
Depuis, j’ai accepté de rester au centre d’accueil de Biacou pour y suivre le programme de formation des femmes guéries de la Fondation Claudine TALON. Et j’ai choisi l’apprentissage de la couture.
Propos recueillis par Ganni BASSONGUI, chargée de programme à Essor
Photos © Nicolas Cleuet